Critique3. Mai 2025 Cineman Redaktion 3z2i20

«Oxana», prendre l’activisme à bras-le-corps f1v36

«Oxana», prendre l’activisme à bras-le-corps
© 2025 Frenetic Films

Au-delà de l’aspect tapageur de leurs actions, les Femen défendaient des valeurs universelles pour tous et toutes. La réalisatrice Charlène Favier revient sur la genèse du mouvement en suivant le parcours d’Oxana, l’une de ses trois fondatrices.

De Laurine Chiarini

À huit ans, Oxana (Albina Korzh) peint des icônes religieuses, commandées par le pope orthodoxe de la petite ville ukrainienne où elle vit avec sa famille. Animée par la foi, attirée par la vie monastique, la fillette développe son don artistique dans des cours normalement réservés aux hommes adultes. Proche de la nature, sensible à tous les genres d’inégalités, ses convictions la poussent à er à l’action. Avec ses amies Inna (Maryna Koshkina) et Lada (Lada Korovai), elles fondent un mouvement féministe basé sur l’expression artistique et des dénonciations politiques. Au gré de flash-back entre l’Ukraine et la , où elle se réfugie plus tard, le film suit la trace de la jeune femme, qui n’hésite pas à mettre sa vie en danger pour défendre les causes auxquelles elle croit.

«Des féministes hystériques topless qui veulent la mort du patriarcat»: telle est l’image que se font des Femen un large pan du public, entretenue par des médias aux descriptions souvent réductrices. Féministes, certes, mais pas seulement : qui sait que les jeunes femmes se battaient également pour la cause animale, l’accès à l’éducation ou contre la corruption? Bien rodées, leurs actions coup de poing faisaient régulièrement la une des journaux pour un maximum d'impact médiatique. En 2011, le slogan «l’Ukraine n’est pas un bordel» était brandi sur des panneaux, face aux caméras, alors qu’elles confrontaient un ministre sur le fléau de la prostitution dans le pays. Reprise un an plus tard pendant l’Euro, la formule avait fait le tour du monde.

«Oxana», prendre l’activisme à bras-le-corps
Albina Korzh, Maryna Koshkina et Lada Korovai dans «Oxana» © 2025 Frenetic Films

Ce que révèle aussi le film, c’est l’incroyable fossé culturel entre l’Est et l’Ouest. Enlevées par des policiers en civil après une action de protestation contre la politique du président Loukachenko en Biélorussie, battues et abandonnées sans vêtements dans une forêt en plein hiver, Oxana et ses comparses vont se réfugier à l’ambassade de . Face à elles, le fonctionnaire a bien du mal à expliquer à son collègue, au téléphone, à quel point les jeunes femmes sont en danger. «Vous n’avez pas besoin de mentir, vous savez», se voit répondre Oxana lorsque, quelques mois plus tard, dans un bureau de l’istration à Paris, elle raconte à une autre fonctionnaire comment elle et ses comparses ont été accusées en Russie de fomenter des attentats contre Poutine.

Histoire vraie mélangée à des touches de fiction, l’une des forces du film réside dans son casting, assuré par des actrices ukrainiennes. Guerre oblige, c’est sur Zoom que la cinéaste a fini par dénicher ses personnages. Prévu initialement en Ukraine, le tournage a eu lieu en Hongrie, pour les scènes ne se déroulant pas à Paris. Bien plus que la vie d’une militante, Oxana est aussi une histoire de trahison, de principes et d’idéaux, de place que l’on cherche douloureusement et du pouvoir de l’art, qui aide, mais ne guérit pas tout. Après le remarquable «Je suis Femen», documentaire de 2014 du Suisse Alain Margot projeté et primé dans plusieurs festivals, «Oxana» nous rappelle que le monde n’en a pas fini avec les inégalités.

Au cinéma depuis le 30 avril.

Plus d’informations sur «Oxana»

La rédaction de Cineman vous recommande aussi: 2m3o1t

Cet article vous a plu ? 1glp


Commentaires 0 571a6q

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

& Enregistrement