Critique15. Mai 2025 Cineman Redaktion 604j57
«Partir un jour», chanter en mitonnant sur la Croisette 5p292c

Quatre ans après un César pour son court métrage du même nom, la réalisatrice Amélie Bonnin fait l’ouverture de Cannes avec «Partir un jour», hors compétition. Le titre n’a pas changé, les acteurs non plus : seuls les personnages ont été repensés. Cécile, gagnante de Top Chef qui s’apprête à ouvrir son restaurant gastronomique à Paris, retourne aider ses parents dans leur relais pour routiers. De retour au village qui l’a vue grandir, elle retrouve Raphaël, son amour de jeunesse.
La jeune cheffe virevolte, donne des ordres, goûte avant de rectifier. Sans fin, elle se creuse la tête, à la recherche du plat signature parfait de la carte du restaurant qu’elle est sur le point d’inaugurer avec Sofiane (Tewfik Jallab), son compagnon. Au milieu de ce ballet bourdonnant, Cécile (Juliette Armanet) découvre en plus qu’elle est enceinte, lorsqu’un appel lui fait tout lâcher: son père, Gérard (François Rollin), victime d’un infarctus, n’arrive plus à suivre dans le relais routier que tiennent ensemble ses parents. De retour en province, elle tombe sur Raphaël (Bastien Bouillon), son amour de jeunesse. Pour remonter le fil des souvenirs et se questionner sur l’avenir, la chanson s’invite dans les dialogues, puisant dans le répertoire populaire.
De Dalida à Stromae, en ant par Michel Delpech et les 2Be3, qui ont donné son titre au film, quand la parole se réinvente, c’est en chansons que s’expriment les personnages. Prenant le relais des dialogues, forme d’expression alternative, elles sont interprétées par des comédiens qui ne sont initialement pas des chanteurs, une volonté de la réalisatrice. Impossible de ne pas penser à «On connaît la chanson», long métrage d’Alain Resnais sorti en 1997 qui fonctionnait sur le même principe. Film musical plus que comédie, les parties chantées sont judicieusement choisies, une gageure vu qu’il s’agit ici de travailler «à l’envers» en cherchant parmi un répertoire déjà existant des textes qui doivent trouver leur place dans un scénario préétabli. Mais la narration, manquant parfois d’efficacité, court après une certaine formalité sans jamais atteindre l’énergie parisienne d’un Resnais presque 30 ans plus tôt.
L’atmosphère chaotique d’une cuisine en plein coup de feu serait-elle le nouveau terrain fertile sur lequel naissent les histoires au cinéma? Avec les sorties respectives de «La Réparation» le même jour en Suisse romande, on serait tenté de le croire. «Partir un jour» prend racine dans un décor semblable: aux retrouvailles avec son ancien amoureux s’ajoute le retour de Cécile à une cuisine plus simple, davantage destinée aux estomacs affamés des routiers qu’aux fins palais des Parisiens. C’est un peu le rat des villes forcé de revenir à une vie champêtre, contraste acerbe que ne manque de souligner le père de la jeune femme, en lui ressortant les petites piques lâchées durant l’enregistrement de l’émission TV qu’elle a gagnée, critiquant la simplicité de la campagne face au raffinement de la capitale.
La chanson des 2Be3 parlait de «partir un jour, sans retour». Le film n’en a retenu que la première moitié: pour Cécile, le retour aux sources remélange les cartes, sans pour autant sonner la fin de la partie. Leçon de tolérance à l’arrière-goût un peu mièvre, chassé-croisé entre son homme du é et celui qui fait son présent, le film bat la campagne, serpentant entre ses habitants au trait parfois un peu forcé, entre bières et salopettes de pêche. Au tournant des souvenirs, c’est une recette entre féminisme, amours et comédie qui nous est servie, au goût vite envolé.
Au cinéma depuis le 14 mai.
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